DES RIRES ET UNE LARME

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Un vieil ami m'avait un jour cité un proverbe de sa culture : "pour guérir d'un passé qui te retient prisonnier et te cache l'horizon, traverse une eau".
Je suis donc parti définitivement m'installer en Corse. Et là, pour en finir avec les regrets, moi le mélodiste. J'ai pour la première fois pris la plume et mis en mots les souvenirs qui m'ont laissé les choses et les  gens de ma vie : les grands auteurs qui m'ont fait chanter beaux vers et belles idées, le travail en troupe , l'éclate en meute, lrmour en fête, et les rencontres magiques, avec en bandoulière l'idéal de mon père, mon pap', mon héros, que j'ai toujours vu se battre pour que l'on soit tous "gaux et qu'on s'aime.
J'ai retracé mon parcours de saltimbanque où j'ai essayé de ne pas trop m'égarer ni me trahir et de rire autant que faire se pouvait, m^qeme si malgré moi, une grosse larme est tombée sur le papier

MICHEL FUGAIN

À 65 ans, Michel Fugain évoque sa trajectoire dans un livre souvenir.

Actualitédulivre.com : Dans le passé, on a déjà dû vous proposer d’écrire votre autobiographie. Pourquoi l’avoir fait aujourd’hui ?

M. F :  L’idée ne m’était jamais passée par la tête. Et quand on me l’a proposé, il y a trois ans, j’ai commencé par refuser. J’ai dit : « Ma vie, c’est que de dalle ! C’est juste des rires et une larme ! »  Ces quelques mots ont donné naissance à ce projet. Progressivement, ça a été comme détricoter un pull-over. En le faisant, j’ai vu ce qu’il y avait derrière moi. Même si ce n’était pas l’heure du bilan, ça s’est traduit par une recherche personnelle. Attention, je n’ai pas dit une thérapie, car je ne suis pas malade. Mais j’ai remis en marche la machine qui s’était grippée depuis quelques années. Ça m’a obligé à me demander « C’est quoi la cohérence de mon parcours ?» Aujourd’hui, je le sais. J’ai vu clair : je connais les pleins et les déliés de ma vie. Et puis, j’ai arrêté de regarder dans le rétro ! J’ai vidé mes tiroirs.

ACL : Comment, au cours d’un tel exercice, évite-t-on l’écueil de l’impudeur ?


M. F : Dire la vérité n’est jamais impudique ! C’est un devoir d’authenticité, d’honnêteté vis-à-vis du lecteur potentiel. Je pense n’avoir jamais médit de personne. Je ne suis pas un type rancunier, quand on me fait une crasse, je déchire la page… Si quand on écrit, on fabule ou on détourne la vérité, à quoi ça sert ? Si des esprits mal tournés ou, disons plutôt mal élevés au sens d’élévation, trouvent ça indécent, franchement, ils ne méritent que de la m…

ACL : Vous parlez pour la première fois de la mort dramatique de votre fille Laurette…

M. F : Je n’aime pas le pathos, mais je dis tout, jusqu’au détail de sa maladie. Je suis un raconteur, alors je raconte les souffrances. Je dis comment la vie, cette pauvre conne, s’est trompée. Dans son tri, elle a pris pour de la verroterie, ce qui était un bijou. Ma fille. L’histoire du départ de Laurette, ça commence par un coup de fil où l’on m’annonce qu’elle a une leucémie… Bon sang, vous imaginez…Une leucémie, on croit que ça n’arrive qu’aux autres. C’est comme prendre un TGV en pleine face - et ça termine avec moi, vidant ses cendres sous un olivier. Et après ? Et bien, on réapprend à vivre, ou plutôt à survivre. Quand on perd un enfant, on est inconsolable à vie. Oh, on ne meurt pas de ça, non, on est juste coupé en deux jusqu’à la fin de ses jours ! Il n’y a rien à dire de plus, les hôpitaux sont pleins de mômes incroyables qui meurent lentement, il y a des gens qui ont perdu toute leur famille dans l’avion de Charm-el-Cheikh… Alors, comme on est tous des êtres affectifs, on morfle. Je suis un honnête homme et je n’ai pas honte de dire que pendant cinq ans, j’ai été à genou…

ACL : Dans le livre, vous employez les mots de «lente décomposition » pour parler de votre dépression…


M. F : Oui, j’ai voulu aussi arrêter de chanter. Je me suis réfugié en Corse pour mettre mes mains dans la glaise, aller me vautrer dans la terre, juste faire de la sculpture. Ça faisait près de 14 ans que je faisais le chanteur… Ça devenait répétitif. Chanteur, on est tout seul, on fait un disque, puis une scène et on recommence… Moi, je suis fait pour la troupe. La question vitale, c’est «qu’est-ce qu’on donne aux générations à venir ? ». Pour la première fois, je n’avais plus d’espoir et j’assumais de n’être pas un homme du futur… Et puis, ce métier m’a sauvé la vie, en m’offrant des projets. J’ai reçu beaucoup de tendresse de la part de mes confrères. Et j’ai envie d’en donner. Les larmes m’ont rendu plus tendre, plus doux pour les autres. Avec son association, Stéphanie a la même démarche. Pour se sauver, pour oublier. Non, la souffrance ne rend pas méchant.

ACL : Même si on sent que la passion est revenue, d’ailleurs vous l’écrivez… on vous devine encore un peu désabusé.


M. F : Comment faire autrement ? Aujourd’hui, on peut vraiment se demander : «C’est quoi la suite ?». On est devant un mur, celui de l’argent. Il n’y a plus d’éthique, plus d’idéologie, à part celle de vendre. Il y a 15 ans, on reniflait ce qui allait arriver et maintenant on est en plein dedans. Qu’est-ce qu’on fait ?  La vulgarité s’est érigé en arbitre des élégances, le cynisme ronge l’humanité.  Il reste quelques tribus ici ou là, comme la mienne en Corse, et on en est à espérer que le mot âme signifiera encore demain quelque chose. À 40 ans et des broutilles, on repart facilement sans se poser des questions. À 65, on devient aquaboniste. J’ai trouvé ma cohérence, je n’ai plus envie d’être seul. Le «Vivre quelque chose ensemble» est vital. Quand on est artiste, on est porteur de vie. Des transmetteurs d’énergie. Il faut continuer à dire « C’est beau la vie ».

Propos recueillis par Laure Joanin

« Des rires et une larme» (Ed. Michel Lafon




Des rires et une larme

Voilà comment Michel Fugain résume lui-même sa trajectoire. Les rires, ce sont les seventies, les copains, l’envie d’inventer, de créer, les rencontres avec ceux qui «l’ont aidé à grandir ou à ne pas grandir», les amours cavalières parfois, durables aussi. Et puis un jour arrive la larme, l’accident de la vie comme il le dit, qui nous rappelle qu’on serait bien prétentieux de croire que cela n’arrive qu’aux autres ou que nous sommes immortels, la larme qui à elle seule fabrique une vague : la disparition de sa fille Laurette. C’est la première fois que Michel Fugain, le bateleur, le saltimbanque, évoque ce drame qui l’a propulsé un temps, lui qui déteste tellement ça, au rang de «people meurtri par le destin» comme le dirait une certaine presse. Michel Fugain parle de la mort de sa fille parce qu’il «ne voit pas pourquoi il n’en parlerait pas». Ces pages sont bouleversantes et profondes, à l’aune d’un livre souvenir qui semble vouloir solidifier le passé pour mieux s’en affranchir et aller plus loin.
Un peu comme l’on viderait un sac rempli d’objets glanés au fil des années, puis oubliés, Fugain raconte «les kilométrages au compteur» : les grands parents, les parents, Grenoble, la ville natale, les copains, la musique qui prend toute la place. Au final, quarante-deux années de carrière qui nous rappelle que derrière nos propres souvenirs, il y a souvent une chanson signée Fugain, qu’elle date ou non de l’époque du Big Bazar. Comme il ne tait rien, Michel Fugain évoque aussi, bien que sans s’appesantir, quelques confidences personnelles : sa fille née d’un amour de jeunesse et qu’il ne connaît pas, sa renaissance grâce à une «sirène», après sa séparation avec sa femme Stéphanie… Mais tout cela reste contenu en quelques lignes. Car, si Fugain joue la carte de l’honnêteté et de la sincérité, il a réussi à éviter l’écueil du déballage. Son livre a de la noblesse et, ce n’est pas si fréquent, ressemble profondément à son auteur.

L. J

Publié dans mes lectures - musique

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N
bonsoir<br /> je suis en train de lire ce livre<br /> je viens de créer une communauté"michel fugain"<br /> j'aimerai que vous en faisiez parti<br /> réponse sur mon blog<br /> à bientôt j'espère<br /> nanou<br />
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